Haïku 4

 

"Un matin, un fermier honnête et travailleur déposa entre les mains de son fils une importante somme d'argent.
- Cette somme revient à un prêteur de la ville voisine. Une fois remboursée la somme que nous lui devons, notre domaine nous appartiendra pour toujours, et il te reviendra de droit. Je te confie aujourd'hui ce trésor que ta mère et moi avons rassemblé au prix de longues années d'efforts et de sacrifices. Porte-le à son destinataire et, surtout, ne t'arrête pas en chemin."

"Le jour même, le jeune garçon rassembla ses affaires pour la longue marche qui l'attendait à travers la montagne. Quand ses bagages furent faits, sa mère lui apporta les vêtements que, comme à son habitude, elle lui avait soigneusement préparés.
- Ton père t'a confié une somme importante et je suis fière de la confiance qu'il place en toi aujourd'hui. Quant à moi, qui n'ait rien de précieux à déposer entre tes mains, n'oublie jamais sur ton chemin que la vie de mon fils est la plus grande richesse que je puisse posséder. Cette vie, c'est bien sûr toi qui la portes, alors protège-la à tout prix. A n'importe quel prix."

"Elle embrassa son fils et déposa une violette fraîchement cueillie au fond d'une poche qu'elle avait cousue sur la poitrine de sa tunique.
- Veille de toutes des forces sur notre bien et sur cette petite fleur."

"Le jeune garçon quitta ses parents et emprunta les sentiers escarpés de la montagne. Au moment de pénétrer dans une forêt profonde, il fut interpellé par un homme en armes. Il s'agissait d'un garde impérial.
- Où te rends-tu, jeune garçon ?
Confiant, celui-ci montra le sac contenant son trésor et répéta les paroles de son père :
- Cette somme revient à un prêteur de la ville voisine. Une fois remboursé ce que nous lui devons, notre domaine appartiendra à ma famille pour toujours, et il me reviendra de droit.
- Cette responsabilité t'honore mais elle te rend intrépide et imprudent. Cette route est dangereuse et elle est, en ce moment, le repaire de nombreux brigands. Si, en la traversant, tu étais attaqué, tu préfèrerais mourir plutôt que d'être détroussé. Et c'est bien ce qui se passerait. Aussi, le seul geste que je puisse faire pour te protéger est de t'empêcher de passer. Rentre chez toi, par ordre de l'empereur, et ainsi ta vie, comme ton trésor, seront saufs."

"Le garde semblait déterminé à faire son devoir. Le jeune garçon réfléchit. Il posa le trésor à ses pieds et il prit la petite violette entre ses doigts.
- Je ne suis pas si imprudent que tu le dis. Avant de partir, ma mère m'a confié cette fleur qui restera contre mon coeur aussi longtemps que je vivrai. Ce serait pour moi un déshonneur tout aussi grand de décevoir ma mère en ne protégeant pas suffisamment ma vie. Je suis porteur de deux trésors et aucun des deux ne sera négligé."

"Le garde impérial fut surpris de cette réponse pleine de vérité. Le garçon était pourtant bien jeune...
- Bien, tu es libre de passer. Le jour, les brigands essaieront de te détrousser sans forcément chercher à te tuer. La nuit, ils te tueront d'abord et chercheront ensuite ce qu'ils pourront te dérober."

"Quelques jours plus tard, le jeune garçon fut de retour chez lui. Il apporta à son père le reçu de la somme remboursée et le titre de propriété de son domaine. Jamais, de sa vie, le fermier n'avait ressenti de fierté plus grande.
- Ces documents t'appartiennent car tu as fait preuve de courage et de vigilance.
Il alla ensuite retrouver sa mère et lui tendit la petite violette séchée.
- Garde cette fleur car tu as fait preuve de respect et de prudence. Elle sera le premier cadeau que tu offriras à celle qui nous rejoindra ici un jour et qui prendra ma place à tes côtés."

"Un jour, devenu fermier et père à son tour, le jeune garçon fit graver la devise suivante au-dessus de sa porte :
Une violette au coeur
Le soleil et la lune
Le jeune enfant peut partir.
"

 

J'ai déjà dit
je me souviens
fin d'une année