23 mai 2017

Richard pensa d'abord passer la nuit dans sa voiture, sur le parking de l'hôpital puis il se dit qu'une nuit à l'hôtel lui permettrait d'avoir meilleure mine le lendemain auprès du chirurgien.
Il chercha un petit hôtel et il en trouva un dans une rue proche de l'hôpital. Il s'y installa, sans affaire, pour le reste de la nuit et il passa un dernier appel pour rassurer Caroline. Elle ne dormait pas. Elle n'avait pas pris de somnifère... Il lui expliqua brièvement la situation.
"- Je revois le chirurgien demain matin.
- Mais qui est ce chirurgien ?
- C'est... le frère de mon oncle Antonio.
- C'est lui qui t'avait dit d'aller le voir ?
- Oui... il pense qu'il pourrait peut-être faire plus pour Johan que ce qu'ils peuvent faire à Clermont-Ferrand. Mais rien n'est sûr. Il ne faut encore rien espérer.
- ...Tu me rappelles demain matin ?
- Je te rappelle dès que je sais quoi que ce soit de nouveau. Je t'embrasse. Embrasse aussi Alexandre. Je rentrerai probablement dès demain."
Il raccrocha, éteignit la lumière et il s'endormit en se repassant le fil d'une si longue journée : depuis 3h30 du matin, l'enveloppe, le bout de papier...

 

Le lendemain, Richard se présenta à 9 heures précises à l'accueil du service de chirurgie pédiatrique. La secrétaire le reconnut et lui demanda de patienter en souriant.
Vers 9h45, le docteur Vitti vint le chercher lui-même dans la salle d'attente. Il le suivit d'un pas décidé, prêt à faire face à toutes les éventualités qu'il avait déjà tournées et retournées mille fois dans sa tête. Le docteur lui fit signe de s'asseoir et se montra extrêmement direct dans sa proposition.
"- Je peux faire transférer votre fils dans mon service et essayer de m'en occuper. Il faudra que vous ou votre femme veniez vous installer à Paris tout le temps nécessaire pour être auprès de lui. Après cela, je ferai de mon mieux mais je ne promets absolument rien et je n'accepterai aucune pression de votre part. Que l'état de votre fils s'améliore ou pas. Est-ce que je suis bien clair ?
- Tout à fait clair.
- Vous me dites oui maintenant mais la situation risque d'être beaucoup plus difficile que vous l'imaginez. Je ne veux surtout pas être responsable de vos espoirs ou de vos déceptions... Si je ne peux rien faire, je ne me gênerai pas pour vous le dire.
- D'accord.
- Bon... dans ce cas, nous avons des papiers à remplir pour demander officiellement le transfert de votre fils."
En fait, pour accélérer les démarches, Richard dut passer la journée à l'hôpital. Il patientait dans la salle d'attente et, régulièrement, une des deux secrétaires venait lui demander de remplir un nouveau formulaire. Il fallut aussi passer plusieurs coups de téléphone pour qu'il donne des accords verbaux au sujet du transport en ambulance entre Clermont et Paris.
Il appela Caroline à plusieurs reprises. Elle aurait aimé pouvoir réfléchir plus longtemps quant au changement d'hôpital mais Richard fit tout pour lui donner l'impression qu'il savait exactement ce qu'il faisait. Elle accepta d'accompagner Johan sur Paris : un hôtel proche de l'hôpital était spécialement dédié à l'accueil des parents.
Pour aller plus vite, Richard accepta de prendre à sa charge tous les frais de transfert.
Vers 19 heures, le docteur Vitti appela Richard dans son bureau.
"- Les démarches administratives sont terminées, vous n'avez plus rien à faire ici. Du moins pour l'instant.
- Merci, docteur.
- A cause d'Antonio, nous voilà embarqués dans une bien curieuse histoire... Même mort, il continue à me mettre dans des situations farfelues.
- Elles sont à la mesure de ce qu'il était capable de faire pour aider sa famille."
A ces mots, le docteur Vitti se figea de stupéfaction et regarda Richard comme il aurait regardé un extra-terrestre... Richard craignait d'avoir dit une énormité : après tout, que savait-il d'Antonio ?
Mais le docteur se remit rapidement de sa surprise et ajouta ces quelques mots :
"Je ne sais vraiment pas quelle image vous pouvez avoir d'Antonio et de son sens de la famille... Sachez simplement que toutes les personnes qu'il a pu "aider" tout au long de sa vie ne sont pas aussi fières que vous d'avoir eu un jour à faire à lui. Bonsoir, monsieur."
Richard pensa d'abord retourner à l'hôtel mais il préféra finalement rentrer tout de suite. Il roula aussi longtemps qu'il le put, s'arrêtant par deux fois pour somnoler sur une aire d'autoroute, puis il arriva chez lui vers 4 heures du matin après avoir vécu les deux journées les plus longues de sa vie.

Johan fut transféré deux jours plus tard. Caroline l'accompagna. Richard et Alexandre venaient les rejoindre tous les week-end. Caroline se sentit très vite en confiance avec le professeur Vitti. Johan se sentait mieux et il pouvait à commencer une rééducation de ses jambes. Tout le monde se sentait mieux... Au bout de la première semaine, Richard avait pu constater que le docteur Vitti prenait vraiment à coeur le cas de Johan. Il s'en occupait personnellement et se rendait facilement disponible. Mais Richard n'essaya pas d'en parler avec lui. Après tout, dans la famille, il ne fallait pas poser trop de questions.
Au bout de la troisième semaine, il annonça à Caroline qu'une greffe de rein était disponible le jour même. Johan fut opéré dans l'après-midi. Richard et Alexandre arrivèrent de Clermont-Ferrand dans la soirée.
Johan sortit du service de réanimation le lendemain matin. Le docteur Vitti leur expliqua que, si tout se passait bien, le jeune garçon pourrait quitter l'hôpital et rentrer chez lui au bout de trois semaines.
Trois semaines plus tard, la famille se trouvait à nouveau réunie, pour la première fois depuis plus de quatre mois dans la petite maison derrière la station-service. Johan poursuivit ses traitements et sa rééducation jusqu'à son huitième anniversaire, qu'il fêta chez lui comme un retour définitif à la "vie normale". Celle que Richard et Caroline aimaient tant et dont ils se disaient qu'ils ne douteraient plus jamais.

 

c'est fini ?