2018

Richard avait donc utilisé ses trois souhaits, ceux qui lui étaient tombés dessus un soir d'été dans une impasse de Narbonne. Il leur devait tout - il les avait donc bien utilisés - et le conte de fée était terminé. Pour le reste, il lui faudrait se débrouiller tout seul quoi qu'il arrive.
Pourtant, une nuit, le visage d'Antonio lui revint à nouveau en rêve. Il paraissait sombre, comme contrarié.
"- Antonio, tu es mort ?
- Mort d'une crise cardiaque, comme ils ont dit. Et ils l'ont tous répété, ces cons...
- Mais, pourquoi dis-tu ça ?
- Ça ne te regarde pas. Tu as eu tes trois souhaits et je suis content pour toi. Va savoir ce qui peut bien m'attendre maintenant.
- Qui m'a envoyé cette enveloppe avec tous ces articles ?
- Ça... je n'étais plus là pour le voir. C'est peut-être une de mes soeurs... elles ont toujours eu des réactions bizarres. Si je devais tout te raconter...
- J'aimerais tellement te remercier.
- N'en rajoute pas. Tout ce que j'ai pu faire pour toi, j'ai finalement l'impression de ne même pas l'avoir fait exprès... C'est peut-être ça, d'ailleurs, qui t'a sauvé...
- Mais je te dois quand même beaucoup. Il y a sûrement quelque chose que je pourrais faire pour toi ?
- Et quoi ? Des prières, par exemple ?
- Par exemple.
- Quelle misère... Tu veux vraiment faire quelque chose pour moi ?
- Oui.
- Réveille ta femme, fais-lui un troisième gosse et appelle-le Antonio... Ça me ferait plaisir.
- ... Mais si c'est une fille ?
- Alors c'est que quelqu'un, quelque part, a vraiment décidé de m'emmerder jusqu'au bout !"

 

Richard se réveilla et se tourna vers Caroline. Il l'embrassa tendrement. Elle se réveilla à son tour et se sentit enlacée entre les bras de son mari.
Quand elle comprit la situation, elle décida tranquillement de se laisser faire ; dans son demi-sommeil, elle se dit seulement que, après toutes ces aventures, il faudrait qu'elle pense rapidement à reprendre la pilule.
Quatre mois et demi plus tard, son échographe lui annonçait qu'elle était enceinte de son troisième garçon. Le petit Antonio naquit au mois de mai suivant.
Au fil des jours, des mois et des premières années, le petit garçon grandit vite. Il était à la fois fort et très affectueux : prêt à relever tous les défis pour peu que ses parents le regardent, prêt à tous les combats pour peu que sa mère soit là pour l'encourager ou pour le consoler.
Dès l'âge de quatre ans, l'enfant se révéla aussi être d'un caractère particulièrement roublard. Comme Alexandre le faisait remarquer : "Dès qu'on lui apprend les règles d'un nouveau jeu, au bout de la troisième partie, il est déjà en train de tricher !"
Un matin, vers l'âge de sept ans, Antonio se réveilla et vint rejoindre son père dans la cuisine, à l'heure du petit-déjeuner. Il avait l'air sérieux et il tenait son petit poing fermé. "Il ne lui manque que des lunettes noires", se dit Richard.
"- Papa, j'ai une surprise pour toi.
- Ah oui ? Et qu'est-ce que c'est ?
- Pour que je te la donne, il faut que tu fermes tes yeux et que tu ouvres ta main."
Richard obéit. Il sentit la petite main d'Antonio déposer quelque chose dans la sienne. Il ouvrit les yeux. Antonio riait en le regardant et Richard en avait presque les larmes aux yeux.
Antonio venait de perdre sa première dent... Une prémolaire ?

 

comme le temps passe...