Vampires 2
Après cette agression, comme cela arrive parfois, Howard parvint à se relever.
Howard ? Ce nom ne lui disait plus rien... Il ouvrit les yeux sur un monde qu'il ne reconnaissait pas. Il avait froid... Il aperçut ce qui restait de son sang sur le trottoir. Il voulut l'aspirer mais ses dents devenues démesurément longues l'empêchaient de poser sa bouche sur le bitume.
Ses veines étaient vides. Il devait se nourrir. Y avait-il quelqu'un près de lui ? Il se mit à courir et à bondir à une vitesse incroyable. Mais cela ne l'étonnait pas. Il se mit en chasse. Rien ne l'étonnait car son cerveau était vide. Il n'y avait en lui plus qu'un seul instinct : celui du vampire. Il devait se nourrir.
Ainsi, celui qui s'appelait Howard commença brutalement une nouvelle vie. Enfin, une nouvelle sorte de vie...
Une vie sans question, sans remord ni sentiment. Seulement la nécessité de survivre. Plus aucune joie, plus d'ennui, plus de notion de temps. La douleur d'avoir faim, le soulagement de se nourrir. Plus de bien ni de mal. Plus de doute...
Howard - ou plutôt ce cadavre qui lui ressemblait - rejoignit rapidement les hordes de vampires qui s'étaient abattues sur la ville.
Avec elles, il dormait le jour dans des endroits obscurs et il chassait la nuit. Il fallait tuer pour se nourrir. Prendre le sang de quelqu'un. N'importe qui. La mort n'était plus une question. Plus un problème.
Les gens avaient peur ? Il fallait les empêcher de fuir. Les gens ne sortaient plus ? Il fallait aller les chercher chez eux. Hommes, femmes, voyageurs égarés, truands des ruelles... il n'y avait plus de limite particulière. La mort lui collait toujours à la peau mais les doutes avaient disparu.
Combien de temps cela dura-t-il ? Combien d'agressions ? Combien de victimes vidées de leur sang ? Toutes ces questions n'avaient plus aucun sens dans cette... nouvelle forme de vie.
Plus aucun visage ne venait hanter ses rêves. D'ailleurs, il ne rêvait plus. Seuls les besoins de la survie guidaient sa conduite. Le reste ne faisait plus partie de ses instincts. Le reste n'existait pas.
Au bout de... un certain temps, il comprit néanmoins que les choses changeaient autour de lui.
Il sentait confusément que, pour survivre, il ne suffisait plus seulement d'être agressif. Il fallait aussi être prudent... Pourquoi ?
Parce qu'une nouvelle sorte de personnages s'était mise à arpenter les rues pendant la nuit.
C'était des hommes armés... Ils se déplaçaient seuls pour attirer les vampires sur eux. Ils avaient tout l'air de futures victimes mais, en réalité, ils étaient bel et bien sur leurs gardes.
Une fois que des vampires étaient sur le point de leur tomber dessus, ils dégainaient leurs armes et ouvraient le feu avec des projectiles en argent. Certains utilisaient des fusils ou des révolvers, d'autres des arbalètes ou même des sabres.
Frappés en plein coeur par une arme en argent, les vampires finissaient alors de mourir et ils disparaissaient définitivement.
Parmi ces chasseurs, certains préparaient de véritables pièges au moyen de gousses d'ail et d'eau bénite : des substances face auxquelles les morts-vivants étaient sans défense et qui leur provoquaient de véritables tortures.
Une fois, Howard avait même vu plusieurs de ses congénères se faire prendre dans un filet. Le chasseur les avait ensuite laissés là, prisonniers, jusqu'à ce que la lumière du jour vienne carboniser ce qui restait de leur chair.
Peut-être Howard avait-il gardé avec lui quelques instincts de son ancien métier : être toujours sur ses gardes, se méfier des situations trop faciles, craindre les coups fourrés. A plusieurs reprises, il avait bien failli se laisser prendre avant de se raviser au dernier moment. Quelque chose le prévenait d'un danger... Il restait caché et il voyait les autres vampires, affamés comme lui, passer à l'attaque et se faire massacrer.
Les temps devenaient difficiles pour les morts-vivants.
Un matin, Howard s'était réfugié dans un immense hangar désaffecté pour y passer la journée : dormir accroché à une poutre et attendre que le soleil se couche.
Il y avait là des centaines d'autres vampires. L'endroit était idéal car l'obscurité y était presque totale et il n'était pas trop éloigné de la ville qui constituait leur principale réserve de nourriture.
Ce matin là, Howard était profondément endormi lorsque des hurlements commencèrent à retentir.
Que se passait-il ?
Il se redressa sur la poutre à laquelle il était agrippé. Un homme était entré dans le hangar. Seul. Un jeune chasseur.
Il était là, armé jusqu'aux dents, au milieu d'une horde de morts-vivants qui se jetaient sur lui et qu'il abattait méthodiquement, les uns après les autres.
Sans savoir comment, Howard se sentit soudain envahi par une sensation étrange, venue de son passé. Plus qu'un instinct. Une émotion... Il était fasciné par l'horrible spectacle qui se déroulait sous ses yeux.
Seul au milieu d'une furie indescriptible, le jeune chasseur se tenait là, impassible, actionnant ses armes avec un calme et une précision redoutables. Des vampires se jetaient sur lui en hurlant de tous les côtés mais aucun ne parvenait à l'atteindre. Il était impossible à surprendre. Il semait la mort autour de lui mais sans montrer le moindre sentiment de haine. Comme une machine à sang-froid (le breuvage le plus détesté par tous les vampires).
A partir de cet instant, le cerveau d'Howard se mit à fonctionner d'une manière différente. Au milieu du vacarme qui résonnait dans tout le hangar, des images de son passé lui revinrent peu à peu en mémoire. La mort. Les armes. Le bruit... Il se souvenait confusément de ce qu'il avait pu être et il regardait ce jeune chasseur pour qui, apparemment, la mort ne signifiait rien. Aucune émotion... Aucun doute. Mais comment faisait-il ?
Le carnage était terminé. Tous les vampires gisaient les uns sur les autres et seul Howard restait caché dans l'ombre, tout en haut de sa poutre. Il n'y avait plus un bruit. Le jeune chasseur nettoyait ses armes. Il ramassait les flèches et les balles en argent qu'il retrouvait autour de lui pour les ranger soigneusement dans un étui.
Aucun cri de haine. Aucun chant de victoire. Pas même un sourire. Il avait fait son travail et il allait simplement repartir.
Il dut piétiner plusieurs cadavres pour rejoindre la sortie du hangar. Il regardait droit devant lui et il disparut dans la lumière du jour.
Howard resta là, seul. Malgré la fatigue, il sentait qu'il n'arriverait pas à dormir de la journée. Son cerveau s'était remis à fonctionner. Une nouvelle idée l'obsédait, autre que la nourriture : il voulait absolument revoir ce jeune chasseur.