Dragons et Magiciens 9

Cette nuit-là, Guirao ne réussit pas à s'endormir.
Partir le lendemain... Laisser Ocaris... Déclencher une nouvelle guerre... Avoir un enfant entre les griffes de Bedren...
Il n'avait rien dit à Ocaris de son départ et de ce qu'il avait lu dans les pensées de Bedren... Elle pensait tellement s'être rapprochée du but qu'ils s'étaient fixé. Cette nuit-là, elle ne semblait pas tourmentée par ses cauchemars et elle dormait si bien.
Pourtant, tous leurs plans étaient sur le point de s'écrouler. Des plans si compliqués, après tout... Ils avaient besoin de temps mais Bedren emportait tout sur son passage.
Tuer Bedren... Mais pourquoi ne l'avait-il pas fait le jour de leur première rencontre au Palais ?
Une fois de plus, Guirao essayait de se souvenir des raisons qui... Mais cela semblait si loin. Il n'était plus le même depuis. Partir en mission... Devenir plus fort... Rencontrer Ocaris... Négocier la paix... mais que pouvait-on négocier avec un meurtrier ?
Et si seulement il s'était levé, ce soir là, pour avertir Abror de ce qui allait se passer... peut-être que le vénérable Prince aurait pu abattre le traître et rien de tout cela ne serait arrivé... Et lui ? Que serait-il devenu ?
Dans ses moments de doute, Guirao se souvenait simplement qu'il avait eu peur... " Et voilà le résultat."
Peut-être qu'il n'avait jamais su prendre les bonnes décisions... Pourtant, il avait déjà tué tellement de dragons sans se poser la moindre question. Voilà sept ans qu'il hésitait à tuer un magicien. Au fond, quelle différence y avait-il entre ces deux ennemis ?
Bedren était largement plus dangereux à lui tout seul qu'une escadre entière de reptiles cracheurs de feu... La seule différence était qu'un dragon ne cachait jamais qu'il avait l'intention de vous tuer. Bedren, lui, était beaucoup plus rusé que cela.
Sans raison particulière, Guirao se remémora les dernières paroles du malheureux Elkali : "Bedren ne pourra jamais poser sa main sur le sceptre." C'était sans doute cela son véritable problème. Il détenait le sceptre d'Abror mais il n'avait pas le pouvoir de le prendre dans sa main.
Il se souvenait que, le soir du meurtre, Bedren n'était pas reparti en s'appuyant sur le sceptre, comme Abror l'avait fait en arrivant... Il se remémorait la scène pour la cent millième fois : le sceptre était à terre, Bedren avait tendu la main droite vers le cadavre et avait utilisé un sortilège de lévitation. Le corps s'était soulevé dans les airs et il l'avait emporté comme cela vers les montagnes... avec le sceptre.
Non, il ne l'avait pas touché. Une fois sorti de sa cachette, Guirao avait bien vérifié : il ne restait aucun objet ni aucune trace de la bataille... même les taches répandues par le sang d'Abror avaient disparu.
Bedren possédait le sceptre mais ne pouvait pas le toucher. Il le gardait dans une armoire métallique installée dans une pièce secrète au troisième étage du donjon... Que fallait-il faire ?
Tuer Bedren... Guirao essayait de se convaincre que c'était la seule solution qui lui restait : pour lui, pour Ocaris, pour l'enfant qu'elle portait, pour rétablir la paix entre les Atlans et les Anlis, pour la mémoire d'Abror, pour celle d'Elkali...
Alors, pourquoi hésitait-il encore ? Lui, le "chien de garde de Bedren"... C'était ce qu'Elkali pensait. C'était ce que tout le monde pensait.
Oui, il avait été le chien de garde, le serviteur de l'assassin... S'il parvenait à l'éliminer, qui, tout à coup, pourrait accepter de lui faire confiance ? Aux yeux du Palais et du peuple, il n'aurait fait que tuer son prédécesseur pour essayer de prendre sa place : il serait vu comme le digne héritier de Bedren, pas celui d'Abror.
Quelles autres solutions lui restait-il ? Si seulement Ocaris pouvait lui donner les clés de son avenir, s'il seulement il pouvait lire dans ses propres intentions aussi clairement que dans celles des autres...
Peut-être que le meilleur des plans était de tuer Bedren et - s'il y parvenait - de partir. D'emmener Ocaris et de quitter le Palais pour toujours... Il aurait fait ce qu'il avait à faire et les événements se dérouleraient sans lui. Après tout, le résultat pouvait-il être pire que la situation dans laquelle ils étaient ? Oui, partir loin avec Ocaris.
Elle lui avait souvent parlé de Palaton, le village de son enfance. Elle y avait grandi avec ses parents et toute sa famille. Ils pourraient se cacher là-bas et y vivre heureux. Leur enfant et ceux qui suivraient naîtraient loin de la guerre et des menaces du Palais... Ce serait si simple.
Cette pensée un peu naïve lui donna enfin un peu de réconfort et il réussit à s'endormir d'un sommeil agité. La nuit était déjà bien avancée...
Alors que les premiers rayons du jour commençaient à peine à pointer au travers des fenêtres, Guirao et Ocaris furent brutalement réveillés par des coups frappés à leur porte. Des coups fermes et pressés... Malgré l'heure très matinale, quelqu'un insistait vivement pour les tirer du lit.
" - Qui cela peut-il être ?
- Je ne sais pas. Reste là, je vais ouvrir
Il se leva et s'habilla rapidement.
- Guirao...
- Oui ?
- Tu te souviens de l'armoire métallique dont tu m'avais parlé...
- Oui.
- Je viens de la voir... Je crois qu'elle va s'ouvrir aujourd'hui."
Il voulut lui en demander plus mais les coups sur la porte résonnaient désormais sans s'arrêter.
Guirao se dépêcha d'ouvrir. Bedren était là, en personne, seul devant lui.

 

" Maître ? Mais que faites-vous là à cette heure-ci ? Dans cette partie du Palais ?"
Bedren avait l'air complètement hagard : le souffle court, les yeux dans le vide, comme s'il sortait d'une nuit entière de cauchemars.
" Venez avec moi, général Guirao. Venez tout de suite !"
Guirao ferma sa porte et le suivit à travers les couloirs et les escaliers du Palais. Ils sortirent de l'aile Ouest dans le petit jour et se dirigèrent vers le donjon. Ocaris les regarda traverser la cour depuis sa fenêtre.
Bedren s'engagea dans les escaliers et il entra directement dans la salle d'audience. Guirao le suivit jusqu'à la porte du fond. Sans rien dire, le vieillard manipula fébrilement une clé métallique et il ouvrit rapidement la porte interdite. Guirao pénétra lui aussi à l'intérieur du bureau (par la porte, cette fois).
" - Maître, mais que se passe-t-il ?
- Taisez-vous ! Nous sommes encerclés par des traîtres... Je dois vous parler des décisions les plus graves que j'ai jamais prises mais je suis convaincu que... Oui, je suis sûr que quelqu'un est entré ici sans ma permission. Je le ressens au fond de moi et c'est insupportable ! Juste avant de venir vous chercher, j'ai fait arrêter l'ouvrier qui a réparé la porte et posé la nouvelle serrure. Je l'avais prévenu... Je n'aurai aucun mal à le faire parler mais cela ne suffira pas. Il y en aura d'autres... Venez avec moi !"
Bedren traversa le bureau et se dirigea vers la tapisserie qui couvrait le mur du fond. Il posa sa main sur l'un des dessins et marmonna quelques paroles.
Aussitôt, les contours d'une porte apparurent au centre de la tapisserie avant de s'ouvrir, seule, devant eux. Guirao comprit qu'Ocaris avait vu juste alors que, a priori, rien n'aurait laissé imaginer la présence d'une porte à cet endroit de la pièce.
Les deux hommes entrèrent dans une sorte de second bureau, beaucoup plus sombre, dont les murs n'étaient pas occupés par des étagères de bibliothèques mais par de lourdes armoires métalliques fermées.
Guirao sentait qu'il touchait au but. Il cherchait du regard celle qui correspondrait à l'image qu'il avait en tête. Mais comment être sûr ? Bedren referma la porte. Laquelle de ces armoires devait s'ouvrir aujourd'hui ?
" - Voilà. Ici nous pouvons parler sans crainte... Écoutez-moi, Guirao. Il faut frapper fort immédiatement. Le plus fort possible.
- Je vous écoute, maître.
- Je veux que vous reformiez aujourd'hui l'équipe que vous dirigiez pour vous infiltrer au milieu des lignes ennemies.
- Oui, ils servent tous dans la garde du Palais.
- Très bien. Je vais partir avec vous vers les montagnes et je mènerai moi-même la grande offensive dont nous avons parlé hier. Au moment même où nous attaquerons, je veux que vous anéantissiez cette montagne qui renferme tous les nids de dragons que vous avez découverts il y a plus d'un an... Vraiment, je regrette de n'avoir jamais utilisé ces informations que vous aviez ramenées au péril de votre vie. J'aurais dû vous écouter... une fois de plus. Mais nous allons rattraper ces hésitations et écraser les Atlans en une seule attaque globale. Il faudra que nous transpercions leurs lignes de manière définitive et que nous vous rejoignions pour que je puisse rentrer à Ittirit le plus vite possible... Je ne pourrai pas tourner longtemps le dos à nos ennemis du Palais. Fort de cette victoire, je pourrai me débarrasser des membres du Grand Conseil et nettoyer ce Palais de fond en comble... Nous avons du travail, Guirao. Ce sera dur mais vous serez à mes côtés. Nous serons deux à gouverner, nous dominerons à la fois le pays des Anlis et celui des Atlans... Vous pourrez même prendre, si vous le souhaitez, le trône de Zonthar. Oui, c'est le seul moyen de mettre un terme définitif à cette guerre.
- Si vous le permettez, maître, je pense qu'il existe une autre manière de terminer cette guerre.
- Que dites-vous ?"
A ce moment-là, Guirao savait qu'il n'avait plus vraiment le choix.
" - Et bien, il faudrait tout d'abord, dès aujourd'hui, libérer le roi Zonthar et avouer publiquement le crime que vous avez commis, il y a sept ans, en assassinant le vénérable Abror sur la route qui le ramenait du pays des Atlans.
- Par quel sortilège peux-tu affirmer cela ?
- Par celui de mes propres yeux. Par ceux d'un garçon qui, un soir, s'est retrouvé entre deux hommes dotés de grands pouvoirs mais dont l'un s'est révélé être un meurtrier."
En même temps qu'il parlait, Guirao pensait que ses révélations allaient finir d'enfoncer Bedren dans son délire et sa folie. Il se tenait sur ses gardes, guettant le moindre geste de celui qui était désormais son adversaire.
Mais, curieusement, ce fut l'inverse qui se produisit. Le visage de Bedren sembla se reconstituer sous ses yeux : ses traits se détendirent, ses yeux s'éclaircirent et sa silhouette se redressa... Face à un danger identifié, il devenait plus serein et sa voix reprit sa tonalité normale.
" - Je comprends mieux un certain nombre de choses... Sais-tu à quoi je pense à l'instant ? Le jour où je suis parti seul rejoindre Abror sur son chemin, j'ai remarqué au loin, dans les collines, la silhouette d'un jeune homme qui semblait s'amuser tout seul. Il sautillait en faisant des gestes bizarres... Je t'avoue que l'idée de le rejoindre pour le tuer, au cas où il m'aurait vu, m'a sérieusement traversé l'esprit. Mais bon, j'étais pressé...
- Il semblerait que, ce jour-là, nous ayons tous commis certaines erreurs.
- Voyons, Guirao, ne sois pas si négatif. Après tout, nous avons tous les deux remarquablement bien profité de cette mésaventure, n'est-ce pas ? Regarde donc ce que tu es devenu grâce à moi.
- Cela n'a pas été facile à accepter tous les jours... Ne bougez pas, Bedren. Je ne serai pas aussi imprudent qu'Abror. Je vous abattrai au moindre geste.
- Vraiment ? Alors, pourquoi ne le fais-tu pas tout de suite, jeune général ? Laisse-moi réfléchir un instant... Ce doit être le genre de sentiment que l'on éprouve lorsque l'on veut tuer son propre père.
- De quoi parlez-vous ?
- Je parle de ce que tu étais avant de me rencontrer. Un brave petit soldat qui aurait fini par crever quelque part dans les montagnes sans que personne ne s'en dérange. Moi, je t'ai tendu la main et tu l'as acceptée. Depuis ce jour, je suis l'arbre auquel tu t'es accroché pour t'élever plus haut que les autres. N'est-ce pas là le rôle d'un père ? Qui d'autre, même parmi ta famille, t'a apporté autant que moi ?
Guirao sentait que Bedren, sans bouger, commençait à utiliser son pouvoir de persuasion.
- Depuis quatre ans, je n'ai pas eu l'impression d'avoir le choix.
- Oh si, tu l'as eu. Chaque jour... Je t'avais accordé toute ma confiance. Tu aurais pu mille fois me poignarder dans le dos mais tu ne l'as pas fait. Si tu m'abats, tu t'écrouleras avec moi.
- Nous verrons bien.
Guirao leva sa main en direction de Bedren.
- Attends ! Si tu m'as accompagné pendant toutes ces années c'est que, au moins à un moment donné, tu as cru en moi. Reconnais-le... Pourquoi ne serait-ce plus le cas aujourd'hui ?
- A plusieurs reprises, j'ai pensé effectivement que, malgré votre crime, vous représentiez la moins mauvaise des solutions pour nous tous. Mais, aujourd'hui, ce n'est plus le cas et cela ne le sera plus.
- Pourquoi ?
- Parce que vous m'avez montré que le pouvoir rend fou ceux qui n'en sont pas dignes. Ces dernières semaines, vous avez fini de me convaincre que votre seule obsession n'a jamais été que de garder le pouvoir, quel que soit le prix à faire payer aux autres. Malgré toutes les apparences, vous êtes toujours resté un meurtrier et un usurpateur.
- Et toi, qui crois-tu donc être, général ? Tu ne peux pas te dissocier si facilement de ce que nous avons accompli ensemble... Mais regarde plutôt ceci."
Bedren se tourna et leva lentement la main vers l'une des armoires. Il déclencha une sorte de vibration et les lourdes portes métalliques commencèrent à s'ouvrir... Le sceptre d'Abror était posé à l'intérieur !
Guirao se déplaça rapidement pour placer l'armoire et son adversaire dans le même angle de vue : même de dos, il ne devait surtout pas le quitter des yeux !
" N'aie pas peur, jeune général. Si tu étais là, comme tu le dis, le soir où j'ai tué Abror, tu dois reconnaître cet objet, non ?"
Bedren projeta une énergie en direction du sceptre qui se souleva en l'air. L'objet quitta lentement l'armoire et se mit à flotter en direction de Guirao.
" Le rôle d'un père spirituel serait de te permettre d'aller toujours plus haut. Plus haut, même, que ce que j'aurais pu atteindre... Regarde ce sceptre, je n'ai jamais pu poser la main dessus et, crois-moi, j'ai utilisé tous les sortilèges possible. Il faut croire que, lui non plus, il n'accepte pas la manière dont j'ai pris le pouvoir... C'est tout ce qui m'a manqué pour prendre définitivement la place d'Abror. Mais, à toi qui est meilleur que moi, j'ai l'impression que ce sceptre ne refusera pas de t'appartenir... Prends-le donc. Je te l'offre avec toute la puissance et la justice qui vont avec. Deviens le nouveau Prince et je te fais le serment que je m'effacerai devant ton pouvoir. Sauf si tu décides que tu as encore besoin de moi."
Le sceptre s'approchait lentement de Guirao. Bedren lui tournait presque entièrement le dos mais il sentait que la force de son pouvoir de persuasion montait à son maximum. Il faisait tout pour lui résister. Ses pensées s'entrechoquaient violemment dans sa tête... En même temps qu'il continuait à parler, Bedren commençait à se retourner. Guirao ne l'écoutait pas mais il était incapable de décider de ce qu'il avait à faire.
Toute sa vie et tous les choix possibles défilaient dans son esprit.
Qui était-il vraiment ? Il était un guerrier. C'était ça, il devait reprendre les réflexes d'un guerrier.
L'ennemi était là et il jouait sa vie. " Ne pas mourir, c'est tout. Comme face aux dragons, dans les montagnes."
Il devait regarder Bedren comme le plus dangereux des dragons. Dans les montagnes, il fallait les observer patiemment pour les abattre en une seule fois. Viser juste et frapper fort. Ne pas trop attendre : l'instant d'après, ils pouvaient vous anéantir d'un coup de griffe ou d'un jet de flammes.
Le sceptre avançait et Bedren se retournait.
Guirao se souvenait que, sept ans auparavant, il avait frappé Abror de sa main droite : c'était ça, sa gueule de dragon. Il ne fallait pas la quitter des yeux.
Le sceptre avançait et scintillait légèrement. Ses reflets commençaient à le gêner. La main droite ?
Guirao déclencha un éclair de toutes ses forces juste avant que le sceptre ne s'interpose entre lui et son adversaire. Bedren s'écroula, frappé en pleine poitrine.
De rage, sa main se mit à projeter des éclairs dans toutes les directions. Guirao se souvenait des dragons blessés dont la tête fouettait l'air dans tous les sens en crachant toutes les flammes de leur corps.
Mais sa concentration était parfaite. Il observait chaque mouvement de la main et bondissait pour éviter les rayons qui se fracassaient contre les armoires et les murs de la pièce. L'animal allait bientôt mourir...
Il réussit même à s'approcher suffisamment près pour lui saisir le bras et lui appliquer une seconde décharge d'énergie qui, à bout pourtant, lui brûla complètement la main droite. Bedren hurla de douleur et s'immobilisa sur le sol.
Guirao n'avait pas pensé à Abror, à Ocaris, à Elkali ou à tous ses compagnons morts dans les montagnes... Il avait simplement pensé à sauver sa propre vie et il avait tué son adversaire d'un seul coup.
" - Voilà... tu as tué le maître. Maintenant... tu vas pouvoir devenir exactement comme moi.
- Je ne serai jamais comme vous, Bedren.
- Pour... Pourquoi ?
- Parce qu'Ocaris ne m'a jamais prédit cela.
- Ocaris ?... Ocaris possède le pouvoir de prédiction ? Mais alors... à nous trois, nous serions in... invincibles."
Bedren venait de mourir. Le sceptre traînait par terre, aux pieds de Guirao.
Il avait effectivement l'impression d'avoir abattu ce sur quoi, malgré lui, il s'était appuyé pendant de nombreuses années... peut-être les plus importantes de sa vie. Il venait de détruire, qu'il le veuille ou non, une partie de lui-même. Que lui restait-il maintenant ?
Fallait-il ramasser le sceptre et s'appuyer dessus pour continuer à avancer ? Fallait-il...
Toc Toc Toc
Guirao entendit frapper doucement à la porte, derrière lui. Il s'approcha et il entendit la voix d'Ocaris :
" Guirao ? C'est moi... Ça y est, tu as terminé ?"

 

Guirao était prêt à démolir la porte secrète mais, de l'intérieur, une simple poussée suffit à l'ouvrir.
Il découvrit la silhouette inquiète d'Ocaris qui se tenait dans le bureau de Bedren avec sa clé dans la main et, à la ceinture, le petit poignard qu'il avait laissé dans sa chambre.
Elle écarta un peu plus la porte et vit le cadavre de Bedren qui gisait sur le sol... C'était la première fois qu'elle se rendait réellement compte de ce que Guirao était capable de faire.
Au lieu d'être fier de sa victoire, lui-même se sentait gêné du spectacle qu'il offrait à la jeune femme.
" - Il est... complètement mort ?
- Oui. Autant que tous ceux qui ont perdu la vie à cause de lui dans les montagnes.
- C'est le sceptre d'Abror ?
- Oui, mais je ne peux pas le prendre.
- Pourquoi ?
- C'est Bedren qui me l'a donné. Je ne veux pas l'accepter. Pas de cette manière.
Ocaris sentait bien tous les sentiments contradictoires qui, même après la bataille, agitaient encore son esprit.
- Excuse-moi de te dire cela, mais ce n'est pas encore le moment de penser à toi.
- Quoi ?
- Il faut que Bedren soit la dernière victime de cette guerre... Il faut agir avant que les combats ne reprennent.
- Comment ?
- Prends ce sceptre et va libérer Zonthar. Avec ce sceptre, tu pourras lui expliquer que la guerre est terminée. Avec ce sceptre, tu pourras annoncer aux soldats et au peuple que le meurtrier d'Abror a été puni. Tu pourras convaincre tous ceux qui refuseront d'abord de te croire que, depuis le début, même si tu as pu te tromper, tu as toujours essayé de deviner ce qu'il y avait de mieux à faire... Il faut rétablir la paix. Après, nous verrons."
Guirao se baissa et il saisit le sceptre dans sa main.
Il sentit soudain une vague de chaleur lui traverser le bras puis tout le reste de son corps. Le sceptre restait dans sa main.
Il vit défiler dans son esprit des dizaines de visages parmi lesquels il reconnut celui du vénérable Abror. Sans véritablement sourire, tous ces visages semblaient lui adresser un signe d'approbation. Il se sentait traversé par une énergie toute nouvelle qui venait du sceptre : celle que Bedren n'avait jamais pu obtenir.
Dans son autre main, il prit celle d'Ocaris.
Il regarda une dernière fois le cadavre de son adversaire et il se tourna vers la porte.
" Viens, Ocaris. Allons libérer Zonthar."

 

Fin... ou alors à vous d'imaginer la suite.